25 mai 2016

Mes vols

Décembre 2015:

Depuis que j'ai passé et réussi mon Line Check (qui était un simple vol de contrôle), j'ai pu commencer les vols internationaux, dont mon premier vol vers Paris Charles de Gaulle. Un grand moment pour moi, qui ai toujours vécu depuis tout petit sous l'axe de la finale 09L de CDG et qui voyais chaque jour passer les avions au dessus de ma tête. Ce jour, c'était moi au dessus de la maison familiale.


Durant 4 mois et demi j'ai donc pu voler vers: Paris CDG, Amsterdam, Dusseldorf, London Luton, mais aussi Kowait City, Téhéran (Iran), Bagdad, Erbil, Souleymaniah (Irak), l'Ukraine, Kayseri, Gaziantep (Turquie), Bishkek (Kyrgyzstan), Jeddah (Arabie Saoudite) et Dubaï (UAE).



Voici un petit résumé en photo de mes vols.



  

Istanbul

 
 Le désert Irakien

            

  
  

  

Istanbul sous la neige en janvier

 
  Arrivée de nuit sur Istanbul

Avec Oscar mon pote de selec

 
Premier dégivrage


 

 


Champs de pétrole en Irak

Les Alpes

 
Les Frenchies à la crew room

La mer Rouge




Line training

Novembre 2015:

C'est parti, depuis quelques jours je vole en place droite sur A319, A320 et A321. Je peux désormais voler un secteur sur deux en PF et donc décoller et poser l'avion tout seul (ou presque). En effet il arrive que le captain instructeur ne puisse pas s'empêcher de toucher le manche en même temps que moi pendant l'atterrissage lorsque tout n'est pas exactement comme il le voudrait, ce qui sur avion classique n'est pas un problème, mais qui sur Airbus du fait de l'architecture électronique des commandes de vol, deviens très accidentogène. Je reviendrai plus tard sur le sujet de l'instruction.

Durant mon Line Training, je fais uniquement des vols intérieurs au départ d'Istanbul: Izmir (35mn de vol), Bordum (50mn), Antalya (1h), Adana (1h20) et Ercan (1h30), donc des temps en croisière très restreins et de même en escale. Donc peu de temps pour les instructeurs pour "donner des cours". Les vols s’enchaînent à un rythme assez soutenu, très souvent 4 vols courts par jour mais avec un gros duty time (temps de travail). 


Journée typique:

- 4h00 : Réveil
- 5h00 : Crew room
- 5h45 : Le captain arrive
- 6h00 : Départ pour l'avion
- 7h00 : Départ du premier vol
- 15h00 : Atterrissage après 4 rotations et seulement 4/5 heures de vol
- 16h00: Fin de duty
- 17h00: Retour à la maison

Ainsi va la vie d'un pilote sur court courrier. Je suis fatigué mais c'est génial de pouvoir voler autant et enfin exercer mon métier.



Je vole toujours avec un safety pilot depuis 3 semaines car pour les instructeurs turcs, on est "safety release" uniquement quand on sait poser l'avion de la manière qu'ils veulent. Ce qui est ridicule car un safety pilot n'est pas la pour ça, mais pour surveiller les erreurs dans les premiers vols, en aucun cas il ne saurait intervenir lors d'un atterrissage.


Un des rares safety au top que j'ai pu avoir

Je reviens donc sur "l'instruction" en vol. Pour être tout à fait honnête, je n'ai quasiment rien appris grâce aux instructeurs qui pour la plupart n'appliquent pas ou peu les procédures Airbus, mais seulement leurs propres procédures. Ce qui est une fois de plus accidentogène et très difficile à suivre pour les pilotes débutants étant donné que l'on doit s'adapter aux procédures de chaque captain, ce qui est une totale ineptie. De plus, certains sont plutôt autoritaires, et ne connaissent absolument rien du CRM (Crew Ressource Management), ce qui complique considérablement le travail en équipage. Leur niveau d'anglais pour certain est assez restreint et dès que quelque chose sort de l'ordinaire, ils ont tendance à parler en turc et à ne pas nous clarifier la situation. Sans entrer dans les détails, j'ai durant mes vols avec instructeur à bord vu des comportements en violation totale des règles de l'air. Et ce sera le cas tout au long de mon contrat chez AtlasGlobal, et ce sans parler des très nombreux captains fumant cigarette sur cigarette tout au long du vol! Bien heureusement il y a aussi des pilotes très compétents chez Atlas: la plupart des copi et captains étrangers et les pilotes basés à Antalya plus quelques captains basés à Istanbul, mais pas la majorité.

Finalement je ferai mes 40 secteurs réglementaires avant de passer mon line check à 55 heures de vol sur type. Il n'y a pas grand chose de plus à raconter sur ma phase de line training étant donné la médiocrité de certains "instructeurs".


Arrivée sur l'ILS23 d'Istanbul de nuit, magnifique

Premier vol

31 octobre 2015:

Voici le jour tant attendu de mon premier vol en tant que copilote sur Airbus. C'est un jour que je n'oublierai jamais de part l'émotion procurée par l'aboutissement de mon rêve (piloter un avion de ligne avec des passagers à bord dans une compagnie aérienne), mais également de part le scénario de ce vol. Je débute donc dès à présent mon Line Training qui durera minimum 40 secteurs et sera sanctionné par un Line Check (évaluation en vol) lorsque les intructeurs avec qui j'aurai volé jugeront que je suis prêt à être lâché en "regular First Officer".

Je me rends donc à la crew room, 2h30 avant mon vol afin d'avoir assez de temps pour préparer mon vol. Pour mes premiers vols (aussi appelés secteurs), je serai accompagné d'un deuxième copilote qui sera assis sur le jumpseat derrière moi. Il est appelé Safety Pilot (ou pilote de sécurité). En effet, n'ayant jamais volé sur Airbus en compagnie aérienne, ce 3ème pilote est présent afin de vérifier qu'il n'y ait pas d'erreurs majeures durant le vol, l'instructeur pouvant en rater à cause de la surcharge de travail du fait de l'instruction. Ce troisième pilote est sensé être un copilote expérimenté mais pas chez Atlas où l'on devient safety pilot à seulement 300 heures sur type (ce qui n'est que la moitié des heures nécessaires pour être embauché dans la plupart des compagnies du monde en tant que pilote débutant).

Je commence donc à préparer mon vol vers Ercan à Chypre, avec le safety pilot, plan de vol, trip info, météo, notams etc... Le captain instructeur arrivera environ 1h30 avant le vol et checkera juste la météo sans autre briefing puis nous iront à l'avion.


Une fois à l'avion, pendant que le captain fait son inspection extérieure de la machine (appelée walkaround) mon collègue m'explique comment lui, a l'habitude de faire la cockpit preparation (tout à fait non conforme aux standards Airbus), puis nous débutons la préparation du FMS (l'ordinateur de bord), j'entre les données de masses, le plan de vol, les vents, les moyens de navigation, les perfo, etc.


Tout va très vite je dois avouer. Ça ne se passe pas vraiment comme dans les bouquins, il faut sans arrêt s'adapter à chaque situation, et à la radio, de par l'accent turc, c'est très difficile pour moi de tout comprendre, d'autant plus que l'aéroport d'Istanbul Ataturk est un des plus occupé d'Europe tout en étant de taille très restreinte. Donc les communications radio sont intenses et très rapides.

Nous commençons le roulage après environ 30 minutes de retards dues à l'arrivée tardive de l'avion. Puis la chef de cabine appelle le captain par interphone et ils se mettent à parler en turc avec l'autre copi. Moi bien sûr je ne comprends rien! Le captain prend la radio et y parle.. en turc. Je me rends compte que nous retournons au parking alors je demande ce qu'il se passe mais la seule réponse en anglais que j'aurai est la suivante "rien de spécial ne t'inquiète pas". Super! Finalement durant leur conversation en turc j'entendrai "panic attack" et je comprendrai qu'il s'agit d'un problème avec un passager sans autre information de la part du captain. On se retrouve donc au parking et le passager est évacué. Après 1 heure de retard nous reprenons le roulage et finissons par décoller., le captain étant PF.

Là, c'est énorme, je fais toutes mes annonces mais tout va à 2000 à l'heure, j'avoue que je suis largué. Même si toutes mes annonces et actions sont faites à temps, je galère avec la radio et je suis 10km derrière l'avion. J'ai quand même le temps de regarder sur ma droite et de me rendre compte pour la première fois, qu'à ma droite il y a la fenêtre du copilote avec le fuselage qui se resserre vers le nez de l'avion, il n'y à donc absolument personne devant moi, je suis First Officer sur Airbus!

Arrivé en croisière, je peux profiter de mon premier repas à bord en tant que pilote de ligne, seul vrai moment de détente durant le vol, je profite donc pleinement de ces quelques minutes.


Durant les trois premiers jours de vol, je ne toucherai pas aux commandes, je serai seulement PM. Le reste du vol se passera très bien ainsi que le retour. Les vols suivants me permettront de prendre en main l'avion, j'en parlerai dans le prochain post.

Vols d'observation

Octobre 2015:

J'ai reçu mon premier planning, mes deux premiers vols sont prévus pour fin octobre. Les deux premiers seront des vols d'observation, c'est à dire que je serai assis sur le jumpseat (3ème siège derrière les deux pilotes) afin d'observer comment se déroulent les vols dans ma nouvelle compagnie aérienne. Donc rien de compliqué pour moi, j'ai juste à m'assoire et regarder ce qu'il se passe. Mes deux rotations seront des A/R pour Bodrum.

Le jour du vol, j'enfile mon uniforme pour la première fois pour aller en vol sur un A321, c'est génial, même si je ne piloterai pas les deux prochains jours, je ferai tout de même partie de l'équipage.

Prêt à partir en vol

Je me rends donc au dispatch que l'on appelle l'OCC afin d'assister à ma première préparation de vol. C'est en fait la crew room. Soit dit en passant, avec le recul je peux désormais dire que cet endroit est indigne d'une compagnie aérienne, chez Atlas c'est une minuscule salle où tous les équipages se retrouvent avant chaque vol pour étudier les dossiers et préparer les vols. C'est une salle d'environ 20m² avec 2 tables et demi et 4 ipad pour les pilotes et 2 tables pour les cabin crew. Cela peut paraître pas mal, mais il faut savoir que régulièrement nous sommes 5/6 équipages en mêmes temps dans cette salle, voir plus, cela fait donc près de quarante personnes en même temps dedans! Donc pas de place pour s’asseoir, ni d'ipad pour pouvoir préparer le vol car tout se fait par ipad, pas de dossier papier.

Après la crew room (où j'ai préparé le vol qu'avec le copi, le captain étant partis directement à l'avion, je verrai par la suite que ce captain ne viens jamais à la crew room et ne prépare donc jamais le vol avec le copi), je me rends en salle d'embarquement via le circuit passager (n'ayant pas encore le badge aéroport me permettant de passer avec les équipages, l'apron card). Un agent d'escale m'accompagne à la porte où je récupère la navette avec l'équipage, le captain déjà assis dedans ne me dit pas bonjour et dit en turc à son copi que je dois changer de siège dans la navette car ça ne lui plait pas, je ne saurai jamais pourquoi... Durant le vol, pas un mot de sa part envers moi, et bien évidemment pas de au revoir.. Le décors est planté! Le lendemain pour mon second vol d'obs, le captain suivant me dira très clairement au moment de m'installer dans le cockpit: "tu es en observation, moi je ne suis pas la pour te faire de l'instruction donc tu t'assoies derrière et tu regarde sans poser de question". C'est effectivement ce qu'il se passera, la copi n'ayant presque pas le droit de me parler pour m'expliquer les choses. J'aurai donc passé deux rotations juste à regarder sans rien apprendre. Bienvenue chez Atlas!

Sur le jumpseat avant le départ

Alignement pour le décollage

En Montée

Retour sur Istanbul de nuit

Sim Check

Octobre 2015:

L'OCC se termine et doit être validée par un nouveau test en simu, que l'on appelle OPC (Operator Proficiency Check). C'est grosso modo l'équivalent de ce que j'ai fais pour la sélection en juillet, sauf qu'au lieu de durer 30-45mn, j'en ai pour 4 heures dans la boite!

Comme toujours, 2 heure en PF, et 2 heures en PM (Pilot Monitoring, anciennement PNF). Rien de bien sorcier, l'instructeur est plutôt sympa, quelques pannes moteur, windshear (cisaillement de vent) au décollage, alerte et résolution TCAS, quelques pannes mineures, approches de précision et de non précision (ILS, LOC, VOR), ainsi que des approches à vue pour s’entraîner au pilotage manuel.

Bref, tout s'est très bien passé et à l'issue l'instru nous signe les documents. Plus qu'à attendre les uniformes et la validation par la DGAC turque.



L'attente commence donc pour les uniformes et le début des vols. Je n'ai aucune information de la part de la compagnie (ce qui sera en fait une habitude), je sais juste que la DGAC à Ankara doit valider mes licences avant que je puisse commencer les vols, la Turquie ne faisant pas partie de l'EASA et mes licences étant européennes. L'attente à duré 3 semaines. Trois semaines à attendre chaque jour le fameux mail de validation avec l'autorisation de récupérer les uniformes sans rien avoir d'autre à faire qu'attendre. Cette période a été très longue pour moi, peur de la non validation, d'un problème quelconque qui pourrait m’empêcher de voler ou me retarder.

Finalement l'accord tant attendu arrive, et je suis invité à récupérer mes uniformes à la compagnie. Quel grand moment la première fois que j'enfile mon uniforme de pilote de ligne pour l'essayer et vérifier qu'il soit aux bonnes tailles. Les vols vont pouvoir débuter, enfin!